Paroles d’experts

Préparer la transmission de son exploitation agricole : «Le maître-mot est l’anticipation»

Transmettre son exploitation agricole pour partir à la retraite est un projet de vie qui nécessite une préparation bien en amont de la cession. La compréhension de la situation, l’identification des aspirations du cédant, l’évaluation des impacts potentiels de la transmission… autant d’enjeux que le notaire appréhende par un travail d’écoute, d’analyse et de conseil.

La préparation de la transmission repose-t-elle sur un travail d’écoute important de la part du notaire et de tous ceux qui interviennent ?

Aurélie Bouny : Oui, absolument. Le travail d’écoute est primordial. Il fait même l’objet d’un premier rendez-vous. Il est nécessaire de savoir ce que souhaite le cédant, à quelle date ou sur quelle période il souhaite arrêter son activité et pour quelle raison. Si le premier rendez-vous permet d’entrevoir un certain nombre de voies qui vont probablement être envisagées par la suite, rien n’est décidé à ce stade. On reste dans cette collecte d’informations et surtout, ce qui est important, c’est de comprendre le contexte de la cession.

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Aurélie BOUNY, Notaire en Gironde

Cette phase de préparation de la transmission de l’exploitation agricole, pour vous, est-ce nécessairement un travail d’équipe qui va se faire avec le cédant et autour du cédant ?

A.B. : Inévitablement. En amont du premier rendez-vous avec son notaire, théoriquement, le cédant s’est informé auprès de la MSA, de son expert comptable… Nous sommes experts, mais chacun dans notre domaine, donc le travail d’équipe est essentiel tout au long du dossier. Le notaire a en charge le volet juridique, c’est-à-dire civil et fiscal. Mais il y a bien d’autres aspects à prendre en compte dans une transmission, des aspects techniques en particulier. Et pour cela l’intervention de structures telles que la Chambre d’agriculture et la Safer est indispensable. Vous avez aussi bon nombre d’exploitations où la famille est intéressée dans sa globalité, où les acteurs familiaux sont parties prenantes à l’exploitation. Il faut impérativement réunir tout le monde, même ceux qui ne participent pas effectivement à l’exploitation. Les règles successorales font que tout enfant doit participer dans la succession des parents.

Quelles étapes suivez-vous lorsque vous accompagnez un projet de transmission ?

A.B. : La première étape est celle de l’écoute. Le but recherché est de comprendre ce qui s’est passé jusqu’à présent. D’un point de vue fiscal, nous avons besoin de savoir s’il y a des dispositions qui ont déjà été prises, et nous devons réunir tous les documents et les informations qui sont nécessaires à la transmission. Ensuite, la 2ème étape, c’est l’analyse juridique. Plusieurs schémas de transmission sont proposés, avec leur chiffrage, au cédant et à toutes les parties prenantes. Au fur à mesure des rendez-vous, les choses vont se préciser. Et in fine, une voie va être privilégiée. Enfin, la 3ème étape, c’est l’étape du choix définitif sur un schéma de transmission. Une fois que l’on a appréhendé tous les aspects civils et fiscaux, on fixe une date pour respecter le calendrier. Chaque situation en matière de transmission d’exploitation est unique. Jusqu’à présent les cessions hors cadre familial représentaient 20 à 25 % des cessions. Dans un avenir à moyen terme, elles vont représenter 40 %. Nous devons faire du sur-mesure sur chaque dossier d’autant plus qu’aujourd’hui le champ des possibles est ouvert. Nous avons aujourd’hui moins de cas de donations et plus de cessions qu’hier, cessions de parts ou cessions à titre onéreux.

Sur quels aspects de la transmission faut-il être vigilant ?

A.B. : Sur la fiscalité tout d’abord, il faut penser à régulariser la TVA, ou encore à la plus-value quand on est en vente d’actifs ou de parts de société. Le notaire va dès le début du dossier évaluer la situation fiscale du cédant, mais aussi évaluer la situation dans sa globalité. Pour cela, le notaire a besoin de chiffres, il doit connaître la valeur des parts ou la valeur du foncier, et sur ce point peut faire appel aux services de la Safer. Tous ces chiffres nous permettent d’envisager la solution la moins coûteuse, tout en respectant les échéances du cédant. Il y a souvent des opérations à réaliser préalablement à la transmission. Si c’est un descendant qui reprend, avant d’envisager une donation, on va pouvoir peut-être faire des cessions de parts, des échanges, intervenir sur le régime matrimonial du cédant… Les opérations préalables sont quasiment systématiques, elles permettent de réaliser la transmission dans les meilleures conditions.

AUDREY NARBONNE, CONSEILLÈRE FONCIER DE LA SAFER EN LOT-ET-GARONNE

« L’évaluation du bien à transmettre c’est notre cœur de métier. Le conseiller foncier de la Safer a une bonne connaissance de son secteur et des références de ventes actualisées et réalisées localement. Dans son évaluation, il prend en compte la nature et la situation de chaque propriété rurale, mais aussi ses atouts et contraintes au regard du marché local observé, et garantit ainsi une vente au prix du marché.

L’intervention de la Safer permet de sécuriser la transaction grâce à sa responsabilité de vendeur professionnel. Le conseiller foncier va s’attacher à vérifier, ou à faire vérifier par des partenaires et experts, tout un ensemble de points, comme la conformité du matériel, des plantations, du sanitaire, des droits PAC…

Ce que l’on peut conseiller au cédant, c’est d’anticiper, de prendre contact le plus tôt possible avec son conseiller foncier afin d’avoir le maximum d’informations qui l’aideront à prendre ses décisions sereinement. »

En synthèse, si vous aviez un conseil à donner, quel serait-il ?

A.B. : Le maître mot, c’est l’anticipation, et cela pour de nombreuses raisons. Pour des raisons fiscales tout d’abord. Si on transmet tous les actifs en même temps, la valeur peut être conséquente, or les abattements se renouvellent tous les 15 ans. Mais aussi pour avoir le temps de réaliser les opérations préalables à la transmission, et cela dans un calendrier qui est parfois fixé au jour près. On doit donc avoir le temps d’étudier la situation, de la “nettoyer” si besoin, pour enfin établir les actes qui vont finaliser la transmission. L’échange, aussi, est extrêmement important, et nécessite de se réunir plusieurs fois. Je conseille aux futurs cédants d’aller voir leur notaire, leur expert-comptable, le conseiller Safer du secteur…

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